Hélène, une histoire vraie. Fin 2011, ma vie avait commencé à prendre l’allure d’un roman de Zola ; vous savez, quand vous avez l’impression que tout fout le camp, que vous ne maîtrisez plus rien, et que ce qui pourrait vous arriver de mieux serait d’aller embrasser un mur, lancé à grande vitesse. C’est à ce moment que je me suis envolé pour Londres, avec en plus dans mes bagages, pour compléter le tableau, une fièvre carabinée. Là-bas, plus frissonnant que jamais, je visitai une exposition su1
Hélène, une histoire vraie.
Fin 2011, ma vie avait commencé à prendre l’allure d’un roman de Zola ; vous savez, quand vous avez l’impression que tout fout le camp, que vous ne maîtrisez plus rien, et que ce qui pourrait vous arriver de mieux serait d’aller embrasser un mur, lancé à grande vitesse. C’est à ce moment que je me suis envolé pour Londres, avec en plus dans mes bagages, pour compléter le tableau, une fièvre carabinée.
Là-bas, plus frissonnant que jamais, je visitai une exposition sur Vincent van Gogh. Je ne sais pas si vous vous êtes déjà trouvé face à un paysage de van Gogh avec une forte fièvre, mais c’est une expérience que je conseille à tout le monde. Quelle claque ! Je voyais tout en 3D ! Je pouvais me promener dans ses toiles, aller même au-delà des cyprès. Je voyais tout, je sentais tout. Je comprenais tout. Une vraie révélation. C’est ça que je voulais faire, c’est à ça que je voulais arriver. Mieux ! C’est à ça que j’avais toujours voulu en venir en peinture, mais que les circonstances de la vie m’avaient, à leur manière sournoise, fait oublier. Le mouvement. Je voulais que ma peinture bouge, je voulais qu’elle vibre devant mes yeux. Je voulais que le spectateur (et moi le premier) ne trouve ni répit ni repos devant mes tableaux. Je voulais que sans cesse son regard aille d’un point à un autre, sans jamais se fixer. Je voulais être pris de vertige.
De retour chez moi, j’ai alors peint ma première Hélène. Une gamine avec des allures de poupée gonflable, un loup, du feu, et puis surtout des points. Des tas de points et de taches qui dansaient derrière elle. J’avais trouvé quelque chose, et ce quelque chose m’amusait. Il était temps !
Hélène allait ainsi revenir de toiles en toiles, elle allait capturer mon regard mais aussi ma raison, et j’en étais heureux. Je ne connaissais plus l’ennui. Et puis – car l’histoire comme toutes les histoires vraies ne s’arrête pas là et qu’un bonheur, dit- on, n’arrive jamais seul – il s’est aussi trouvé qu’un mois après mon retour en Hexagone, j’ai rencontré à une exposition une jeune femme qui portait le soir du vernissage la même robe que cette première Hélène. Elle aussi avait des cheveux longs et noirs, tout pareil. En fait, elle lui ressemblait tellement que d’aucuns ont cru, ce soir là, que je m’en étais inspiré pour mes dernières peintures. Le hasard, vous y croyez vous ? Et si je vous dis que cette fille en question se faisait appeler Féebrile, vous y croyez encore ?
La boucle était bouclée, et depuis ce jour-là, la fièvre ne m’a plus quitté.
Quant à Hélène, il semblerait que ce soit la peur qui jamais ne l’a quittée, même si, une fois, elle a prétendu le contraire (Hélène n’a plus peur) en s’affublant d’un masque au sourire grotesque. Mais nul n’ignore que si un masque peut cacher une expression – c’est son rôle - il ne peut pas couvrir des cris. Car Hélène crie, oh oui ! Elle hurle sa peur, le reste de son corps comme tétanisé face à un prédateur qui semble se tenir dans l’ombre du spectateur. Qu’elle soit seule ou avec ses amis, où qu’elle se trouve, Hélène n’en finit pas de crier. A cappella même ! Car la peur qui la tenaille n’aura au moins pas eu raison de ses valeurs, et la jeune femme reste fermement attachée au beau, si tant est que ce mot ait encore du sens. Mais … et si justement c’était ça qui l’effrayait autant ? Si c’était la laideur, la médiocrité et la bêtise qui la faisaient hurler ? Si c’était la vulgarité, dans tous les sens du terme, ce prédateur auquel Hélène, quasi morte de trouille, oppose, à défaut de mieux, son chant glacé ? Mais que peut-elle faire d’autre au final ? En effet, comment se défend-on face à la bêtise, face à l’ignorance ? La question reste posée. Et ma seule certitude, c’est qu’au train où vont les choses, Hélène n’est pas prête de trouver la paix.