LA VIE EN ROSE



Du noir et puis du rose.
Des bleus sur la gueule, des membres amputés, des gens qui gueulent en couleur.
La chemise est blanche, empesée, repassée. Ce soir c’est Tenue Correcte Exigée ; tu laisseras donc pour cette fois tes angoisses au vestiaire ou bien à la buvette, à coté du cendrier.

Le bonheur a la couleur du mou que tu donnerais au chat si tu en avais un sous la main. Mais celle-ci ne rencontre que la plume qui te sert à tromper l’ennui. Alors tu te trompes et trempes encore et encore la pointe d’acier au nom de guerre dans la flaque d’encre de Chine. C’est le seul voyage que d’ailleurs tu puisses te permettre, le Voyage en Théorie. Quel beau pays ! Tu en es si content que tu te jures de ne jamais cesser de dessiner. Tu as le plaisir si facile maintenant. Tu veux tellement y croire aussi au bonheur, celui dont tout le monde parle. Tu trempes donc aussi tes lèvres, très discrètement toujours, et tu t’offres en prime une Martinique d’import à raison d’un tiers de sucre de canne, de deux de rhum plus un zeste de citron vert. Tu voudrais bien perdre la mémoire, brûler les friches et devenir caillou. Allez ! Comptes jusqu’à 10 ! Ca va bien se passer. Et quand tu te réveilleras, tu ne te souviendras de rien. C’est écrit.
Tu mets du rose, tu maquilles les gens que ta plume a zigouillés. Tu voudrais tellement leur insuffler la Vie afin que, reconnaissants, ils t’en fassent profiter. Mais quoique tu fasses, il y a toujours un moment où tout se casse la gueule, où ça part en couille. Alors recommence cette bonne veille histoire :
Tu comptes jusqu’à 10.
Du noir et puis du rose.
Des bleus sur la gueule,
Des membres amputés et puis aussi des gens
Qui gueulent,
En couleur.


Patrick jann!n.
06/03/11


Série de dessins à la plume, encre de Chine et acrylique sur papier, format 50x65cm

Ajouté le 31 janv. 2011